Ce soir j’ai mal à la tête et de la fièvre. Un virus m’a agressée sournoisement, un vendredi soir, évidemment.
Je contre-attaque avec une tisane de verveine citronnée de mon jardin, infusée dans un thermos orné de fleurs exotiques. C’est ma potion magique. Mon regard plonge dans ce décor d’ailleurs qui me ramène quelques mois en arrière à Chiang-Maï, au nord de la Thaïlande.
Cette ville millionnaire cache en son cœur une vieille cité carrée, cernée par des remparts, truffée de dizaines de temples d’or. Un peu comme la ville close de Concarneau ou de Saint Malo mais en beaucoup plus grand, et Thaï, et sans la mer. Ça change pas mal de choses, même si c’est tout aussi touristique et que, sur le marché du dimanche, on trouve aussi des crêpes au nutella.
Pour moi, occidentale banale qui connait peu l’Asie, c’est un havre de paix et c’est là que ma fièvre m’entraîne ce soir.
Je me réveille dans le lit tout simple de l’hôtel familial où je dors si bien. Il est tôt, il fait déjà jour et les oiseaux locaux ont entamé leurs chants étranges. Après une petite douche, je m’habille court et léger et descends le grand escalier carrelé ouvert sur l’extérieur. J’enlève mes chaussons pour entrer pieds nus dans la salle à manger, comme il se doit. Tout est étincelant de propreté. Le jeune patron est derrière le bar, souriant comme tous les matins, et me prépare invariablement des œufs avec des toasts et du café.
Puis je sors dans les rues douces et gorgées de verdure de Chiang-Maï. Il fait déjà si chaud, je marche à l’ombre, le plus possible. Je rentre dans un temple après avoir enlevé mes chaussures et m’être couvert les épaules et les jambes avec les deux foulards que j’ai toujours dans mon sac. Seule face au Boudha, les pieds chatouillés par les tapis, je me sens émue… Je m’agenouille, mon esprit s’élève et s’apaise. Je prie. Je ne sais pas faire mais qu’y a-t-il besoin de savoir ? Je pleure aussi parce que quelque chose d’intense et de profond en moi est touché sans que je comprenne bien de quoi il s’agit.
Libérée, je ressors dans la fournaise acheter dans la rue un café bio serré et un jus de ces petites oranges à moitié vertes. Légère malgré la chaleur, je souris en marchant, mon regard glisse sur les touk-touks colorés et s’abreuve aux bougainvillés en fleurs. Au détour d’une rue, un autre temple m’appelle, mais c’est surtout son parc qui me scotche : j’y trouve un banc bien à l’ombre d’un arbre à Durians.
Tranquille, je m’y installe pour lire le vieux polar que j’ai acheté à la librairie « On the road », qui propose des livres dans toutes les langues, vendus et rachetés puis revendus, par et pour des voyageurs du monde entier.
Le temps passe, doucement. Je me remets en marche jusqu’à un café cool au décor reposant, le Angel’s secret ou le Blue Diamond, au hasard… Je commande un jus de grenade et un morceau de gâteau bio et attrape mon gros cahier à lignes pour y poser mes pensées.
Quand je repars, il fait si chaud que j’appelle un touk-touk jusqu’à l’hôtel où je sombre dans une sieste délicieuse. A mon réveil, la nuit commence à tomber. Avant d’aller manger, je m’arrête au salon de massage pour dénouer mes pieds. Il fait tout noir quand je sors, mais toujours chaud. C’est tellement agréable, cette sensation de la nuit noire et tiède au contact des bras et jambes nues, je ne m’en lasse pas.
Je prendrai ce soir un pad thaï en terrasse, enveloppé dans un filet élastique fait d’œufs et de fromage. J’arrose d’une bière. Pas de dessert, je n’ai pas envie de sucré, ici.
Je rentre méditer, puis lire. Longtemps. Demain j’irai à un cours de yoga.
Et voila, là bas, comme ici, c’est l’heure d’aller dormir.
Ma fièvre s’est dissipée au cours de ma rêverie thaïlandaise qui, je l’espère, se prolongera merveilleusement, mystérieusement, au cours de mon sommeil.